De la colonisation à la «mondialisation», les
contacts entre culture dominante et culture
dominée, culture savante et culture populaire
ont le plus souvent été appréhendés sur le mode
de l'unilatéralité. C'est là méconnaître la réciprocité
des influences qui, en dépit de rapports
inégalitaires entre groupes ou sociétés, peut parfois
donner lieu à des processus d'hybridation
créative participant au renouvellement des
modèles culturels. Le phénomène a déjà été
souligné dans le champ artistique. Il reste encore
peu étudié dans le domaine des formes architecturales.
C'est à combler cette lacune que ce
numéro devrait contribuer.
Dès que le regard se porte sur les relations
entre cultures, le flou semble de mise : «multiculturalisme»,
«métissage», «cosmopolitisme» sont
invoqués, souvent à tort et à travers, pour rendre
compte de l'irruption de l'altérité dans des
sociétés dont l'identité avait longtemps été
indexée sur l'homogénéité. Il s'agira donc, tout
d'abord, de clarifier le sens des notions utilisées à
propos de ces interactions entre cultures de statut
inégal, du point de vue de la transformation
de l'espace habité. D'autres articles montreront
ensuite dans quelle mesure, selon quelles modalités
et avec quels effets, les processus interculturels
pouvaient remodeler le bâti selon les
contextes socio-historiques et les aires géographiques.
À l'encontre du cliché qui place la relation
des habitants des communautés dominées sous
le signe de la soumission et de l'imitation, on
verra que ceux-ci se livrent avec inventivité à de
multiples réappropriations et détournements des
modèles dominants, conjuguant ainsi l'adaptation
à la «modernité» et la préservation de leur
identité.