On ne saura jamais si le coup de couteau de Ravaillac fut le geste d'un
esprit déséquilibré ou l'oeuvre d'une machination occulte dont il n'aura
été que le bras armé. Roland Mousnier ne se contente pas de restituer
le portrait moral de cet étrange meurtrier, sa foi ardente, sa piété, sa
fragilité, ses hallucinations morbides. Pour éclairer le sens et la portée de
cet événement inouï, il interroge aussi les passions politiques et religieuses
qui travaillaient à l'époque tous les «Ravaillac de coeur» dont le moine
régicide se serait fait sans le savoir l'instrument involontaire.
Balayant l'image du «bon roi Henri» aimé de ses sujets, ce livre décrit
les tensions, les frustrations, les ressentiments suscités par la personne et la
politique du monarque : sa légitimité contestée, l'incertitude sur la sincérité
de sa conversion, les doutes sur sa volonté d'éradiquer la «souillure»
hérétique ; ou encore la pression fiscale qui lésait beaucoup de monde,
l'empiètement royal sur les prérogatives de la noblesse, l'exercice de plus
en plus absolu du pouvoir... Autant de traits qui faisaient passer le roi
pour un tyran et rendaient légitime, aux yeux de certains, l'impératif de
le mettre à mort. Ces pulsions régicides conduisent l'auteur à proposer
une analyse lumineuse, et jamais dépassée, des théories du tyrannicide
depuis l'Antiquité.
La mort du roi n'a pas ressuscité la monarchie dont Ravaillac avait
rêvé ; elle contribua au contraire, écrit Arlette Jouanna dans sa préface,
à émanciper l'État de l'emprise des passions religieuses, à renforcer le
pouvoir absolu et à sacraliser comme jamais auparavant la figure du
prince.