Hier encore, le discours officiel opposait les vertus de
la démocratie à l'horreur totalitaire, tandis que les
révolutionnaires récusaient ses apparences au nom
d'une démocratie réelle à venir. Ces temps sont révolus.
Alors même que certains gouvernements s'emploient
à exporter la démocratie par la force des armes,
notre intelligentsia n'en finit pas de déceler, dans tous
les aspects de la vie publique et privée, les symptômes
funestes de l'«individualisme démocratique» et les
ravages de l'«égalitarisme» détruisant les valeurs
collectives, forgeant un nouveau totalitarisme et
conduisant l'humanité au suicide.
Pour comprendre cette mutation idéologique, il ne suffit
pas de l'inscrire dans le présent du gouvernement
mondial de la richesse. Il faut remonter au scandale
premier que représente le «gouvernement du peuple»
et saisir les liens complexes entre démocratie, politique,
république et représentation. À ce prix, il est
possible de retrouver, derrière les tièdes amours d'hier
et les déchaînements haineux d'aujourd'hui, la puissance
subversive toujours neuve et toujours menacée
de l'idée démocratique.