Analyste de la civilisation occidentale dominée par Socrate et le platonisme-christianisme,
Nietzsche en déchiffre le texte et en dénonce les
grands mots et les notions imaginaires : il est et reste philologue. Mais ce
texte, que Nietzsche désigne sous le nom de «morale», est un symptôme
de la décadence, désorganisation des affects conduisant à la
négation de la réalité. Le psychologue-attrapeur de rats Nietzsche veut
remonter au corps qui s'exprime et se nie : il est généalogiste. Mais de quel
ordre est le texte de Nietzsche pour dire le corps qui, dans le langage et
spécialement le discours des philosophes, dénie et vulgarise la vie ? Lire
Nietzsche, c'est apprendre à lire le texte de la culture et, en «médicynique»,
remonter à l'origine cachée de l'idéalisme moral : le corps.
«La philologie est en effet cet art vénérable qui exige avant tout une
chose de ses adeptes : se mettre en réserve, se laisser du temps, apprendre
à se taire, apprendre la lenteur, cet art d'orfèvre et de connaisseur du mot,
qui a pour tâche d'exécuter avec intégrité un travail de finesse et d'attention
et n'arrive à rien s'il n'y arrive lento. Cet art enseigne à bien lire,
c'est-à-dire lentement, en profondeur, en laissant les portes ouvertes,
avec des doigts et des yeux délicats... Mes patients amis, ce livre ne désire
rien d'autre que des lecteurs et des philologues accomplis : apprenez à
bien me lire !» (Aurore, Préface, § 5).