C'est avec l'ancien que l'on fait du neuf : l'innovation est
nécessairement reprise d'éléments culturels antérieurs,
réaménagés, transformés, subvertis et enrichis. Le Moyen
Âge est imprégné de culture antique : culture romaine dans
l'Occident où nous nous trouvons, mais aussi culture juive,
transmise par la Bible en latin et en hébreu.
C'est sur la renovatio culturelle, à partir de ces fondements
antiques dans le haut Moyen Âge, que s'ouvre l'ouvrage,
et quoi de plus emblématique que la grande synthèse du
savoir gréco-romain établie au début du VIIe siècle : les
Étymologies d'Isidore de Séville. C'est un relais capital vers les
renaissances de l'époque carolingienne, qui sont analysées
ensuite dans les domaines littéraire, artistique et exégétique.
L'innovation peut aussi prendre des chemins techniques plus
prosaïques et moins visibles, comme l'assemblage décoratif
nouveau des moellons dans les murs des églises romanes,
dont on connaît les modèles antiques et les relais carolingiens.
La tradition ne fait pourtant pas que nourrir l'innovation : la
mise en oeuvre d'inventions nouvelles en matière d'irrigation
dans les pays méditerranéens aux XVe et XVIe siècles est freinée
par la pénurie d'investisseurs.
La tension entre tradition et innovation est abordée à propos
de la musique : théorie dans l'Antiquité, elle devient pratique
au XIIe siècle, puis objet de plaisir. On suivra aussi l'histoire
des représentations de l'Adoration des mages, qui peut être
interprétée comme exprimant le triomphe du christianisme
sur les dieux et l'empereur romains, ou l'interprétation
politique aux XIVe et XVe siècles de prophéties de Protée et
de Ganymède, qui ne sont pas sans rapport avec les anciens
oracles sibyllins juifs.