Sans connaître l'auteur, j'avais suivi les épisodes de "Tendre
Violette" et j'étais "tombé en amour" avec cette belle de papier.
J'aimais chez Jean-Claude Servais le goût de terrain vague, de
nature, l'église d'Avioth qui sort de la brume, la musique du
dessin [...]. C'était un peu mon pays profond qui dérivait avec des
arbres, beaucoup d'arbres, un grand virage vers autre chose, un
frisson, un regard tourné vers l'arrière-pays de l'âme. Un chien
qui aboie dans une étendue désertique et on l'entend dans les
loins à la tombée du soir - les marais - son pays "d'extrême-Gaume".
J'aimais sa tendresse à dessiner la femme. Sa machine à
remonter le temps, sa boule de cristal mentale lui a fait rencontrer
Isabelle : "Que la liberté peut sentir bon", dit-elle à la deuxième
page du livre. L'histoire, pour être tragique, est vieille comme les
chaussées romaines qui traversent la Gaume : un de ces vieux
thèmes qui font un pied de nez à l'histoire. "Les vivants n'arrivent
jamais à faire coïncider leur imagination et leur être, seuls y
parviennent les morts et les statues". Chaque porte qui s'ouvre et
chaque porte qui se ferme semble dire : "Il était une fois". Le livre
terminé, ne jetez pas trop vite la clef au fond du puits.