Le 14 septembre 1898, Célestine R.
prend sa nouvelle place au Mesnil-Roy,
en Normandie, et décide de tenir son
journal. «Mon intention, écrit-elle, est de
n'employer aucune réticence, pas plus vis-à-vis
de moi-même que vis-à-vis des autres» :
les turpitudes de ses maîtres seront donc
férocement montrées.
D'abord conçu comme une étude de la
condition domestique et une satire des
moeurs bourgeoises, Le Journal d'une femme
de chambre que Mirbeau fait paraître en
1900 s'est élargi en une dénonciation de
l'intolérance qui a conduit à la condamnation
de Dreyfus, et la satire bascule du côté de
la diatribe. Au moment de sa parution,
l'emportement impudique qui traverse le
roman scandalise la critique, qui en dénonce
les ignominies et n'en rend compte qu'à regret.
Mais aujourd'hui, nous pouvons regarder
sans moralisme la fureur dévastatrice du livre
et son esthétique du monstrueux, et y voir la
preuve, bien plutôt, de l'éclatante puissance
littéraire de Mirbeau.