Tous les matins, c'est la même rengaine. Sitôt le
cri strident du réveil : douche rapide, saut dans
le boxer, puis costume cravate préparé la veille -
bienheureuse initiative ! - tartine grillée à moitié engloutie,
café soluble micro ondé toujours trop froid ou trop chaud
et de toute façon imbuvable, toujours la course après le
temps.
Chaque jour, même heure, même supplique : «Pourvu
qu'il reste une place de parking ! Pourvu que je ne rate pas
ce foutu train !»
6h30'. Il est là. Sale. Poussiéreux. Majestueux. Toujours là.
Parfois en retard. Jamais en avance.
Moi, homme d'affaires d'une trentaine d'années, je prends
ce train, tous les jours de la semaine. Toujours dans le
même compartiment : premier wagon après la locomotive,
deuxième banquette côté gauche, près de la fenêtre. Dans
le sens de la marche. Toujours. (...) Aucun des autres
passagers ne se risquerait à prendre mon siège. D'ailleurs,
ils ont chacun leur banquette attitrée. Je suppose que, moi
non plus, je n'oserais m'aventurer sur leur territoire. Cela
fait partie d'un pacte entre nous...