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L’amitié entre Albert Camus et Nicola Chiaromonte (1905-1972) est née 'd’un rapport humain des plus beaux et vrais : l’hospitalité'. Le jeune Camus, qui vient d’achever la rédaction de ses 'trois "Absurdes"', se lie à l’intellectuel italien exilé lors de son passage à Oran au printemps 1941. Militant antifasciste et anticommuniste, ami d’Alberto Moravia et d’Andrea Caffi, Nicola Chiaromonte s’apprête alors à rejoindre les États-Unis pour quelques années. À New York, en lisant le Mythe de Sisyphe et L’Étranger, il se découvre une profonde parenté d’esprit et de préoccupation avec l’écrivain français. C’est après Hiroshima que l’intellectuel italien, ayant lié d’étroites relations avec la gauche anticonformiste américaine en prenant part à la fondation de la revue pacifiste politics, suscite la collaboration intellectuelle de son ami français, désireux de nourrir avec lui un nécessaire 'commerce social'. Cette complicité amicale échappe, dans l’esprit des deux hommes, à l’autorité de l’État et des partis. De cet effort partagé naîtront des communautés de réflexion, en particulier les Groupes de liaison internationale, fragiles 'îlots de résistance' contre la déferlante des idéologies et la restauration des dictatures. Cette correspondance croisée, réunissant quelque quatre-vingt-dix lettres inédites, restitue l’exigence et la fraternité de ce dialogue vécu sous le mode de l’urgence : 'Nous sommes comme des témoins, écrit Albert Camus, en passe d’être accusés. Mais je ne veux pas vous laisser croire que je manque d’espoir. Il y a certaines choses pour lesquelles je me sens une obstination infinie.' Il n’y a pas à distinguer ici entre la recherche de la vérité et la chaleur de l’amitié.