On a dû insister pour qu'Émile se mette à courir.
Mais quand il commence, il ne s'arrête plus.
Il ne cesse plus d'accélérer. Voici l'homme qui va
courir le plus vite sur la Terre.
Si la vie de Zatopek, une vie de records et de
joies ternes, fut composée sur mesure par le
régime communiste et étroitement contrôlée,
Jean Echenoz inscrit ce portrait en sueur et en
muscles dans un flou temporel. Seul compte le
regard sur le monde posé par cet ouvrier tombé
un peu par hasard dans le sport. Et l'écrivain
ironise ; d'une légende il extrait une vie marquée
d'autant d'efforts que de hasards de circonstances.
Et, l'air de rien, Émile continue
d'avancer, jusqu'à ce que «la locomotive» - ainsi
qu'on le surnomme - commence à ralentir.
Calquant ses mots sur les pas d'Émile, Jean
Echenoz transcende le sport et l'histoire avec
une rare intensité narrative.