Le XVIIe siècle s'achève. Précepteur du duc de Bourgogne, Fénelon
sublime sa tâche pédagogique en procurant au petit-fils de Louis XIV
une narration en forme de fable homérique. Relatant les aventures du
jeune Télémaque parti à la recherche de son père, Ulysse, l'auteur place
aux côtés du héros la figure de Mentor, incarnation de la parfaite Sagesse.
C'est là transformer le voyage initiatique en itinéraire spirituel...
Car le projet est bien celui d'un théologien chrétien. Quelques années
auparavant, en 1674, Boileau, au chant III de son Art poétique, avait proscrit
le merveilleux chrétien du champ littéraire : «De la foi d'un chrétien
les mystères terribles/D'ornements égayés ne sont point susceptibles»
(v. 199-200). En «fabuleux chrétien» recourant à l'allégorie, Fénelon
donne ainsi à lire la leçon politique fondamentale : c'est la créature
humaine que le futur roi doit réformer en lui avant d'espérer gouverner
avec justice et clairvoyance. Au terme de ses aventures, Télémaque aura
appris qu'il n'y a pas de victoire plus éclatante et moins glorieuse que
celle que l'on emporte sur sa propre insuffisance.