Au demeurant, été comme hiver, rien ne venait rompre
l'enchantement de cet espace que calcine la surabondance solaire,
que fraîchissent les clartés nocturnes, quand la lune nous rejoignait et
s'attardait pour la plus grande magie des kabars, ou bien quand, nous
faufilant à travers les chokas, nous parvenions à l'étroite crique brune
qu'enserrent les rochers qui protègeraient une cérémonie.
Alors s'accomplissait leur métamorphose face à l'Océan, dans ces
rituels qui puisaient aussi bien dans les poteries, les calebasses et paniers
de la Caraïbe que dans les soubiques de Madagascar, dans les tentes et
bertelles de Bourbon, créant la saveur nourricière de nos ailleurs mêlés.
La lumière lunaire. Son huile diluvienne pleuvait sur leurs visages
ainsi régénérés. Transfigurées, elles devenaient pour nous choéphores
de l'avenir, porteuses de visions vivifiantes. Leurs robes blanches et
fauves bougeaient en vagues drapées, leurs bracelets et leurs anneaux
luisaient, tantôt armes de guerre, tantôt armes de paix.