Alors qu'à dix-sept ans, il s'apprête à
quitter Amiens, des Grieux voit arriver le
coche d'Arras. Une jeune fille en descend,
si charmante qu'il s'avance vers elle pour
l'interroger : ses parents l'envoient pour
être religieuse, et elle sait qu'elle va être
malheureuse. Il la loge dans une hôtellerie
dont le maître lui est dévoué et, le lendemain,
tous les deux partent pour Paris.
Lorsqu'elle s'est tragiquement achevée, des
Grieux fait le récit de sa tumultueuse liaison
avec Manon au marquis de Renoncour qui
la rapporte dans ses Mémoires que Prévost
fait paraître au mois de mai 1731. C'est
ainsi la voix même du chevalier que nous
entendons, c'est l'émotion qu'il éprouve
à revivre ce qu'il a vécu qui nous touche
- et sa parole fait entendre des accents si
vrais que l'on a pu croire que Manon et des
Grieux avaient véritablement existé, ou que
l'abbé Prévost transposait un moment de sa
propre vie. Mais le réalisme poignant de ce
récit traversé de souffrances n'est redevable
qu'à l'art éblouissant de l'auteur.