Le visage de l'Église demeure problématique aux yeux non seulement
de l'homme, mais aussi du chrétien contemporain. La figure du monde est
d'ailleurs tout aussi inquiétante. La raison en est sans doute qu'on n'a
jamais réussi, depuis des siècles, à réconcilier deux visions du réel que
l'on peut désigner avec les termes de «hiérarchie» et de «modernité».
L'Église semble s'être refermée sur la première, le monde sur la seconde, et
le fruit dramatique de ce divorce croissant est dénoncé aujourd'hui comme
la «fin» tant de la modernité que du christianisme occidental.
En vue d'une «nouvelle évangélisation» réelle, nous devons :
reprendre l'analyse loyale du conflit séculaire entre modernité et
hiérarchie,
définir au plus juste l'inspiration sous-jacente aux formes institutionnelles
que l'Église catholique a voulu conserver envers et contre tout pendant
le dernier millénaire,
montrer comment le concile Vatican II a commencé, parfois avec
audace, parfois avec timidité, de regarder en face le conflit et d'envisager
une solution, à partir d'une nouvelle perception théologique et spirituelle
de l'Église comme du monde,
poursuivre une oeuvre d'imagination théologique et canonique qui
débouche sur des propositions très concrètes, dans tous les champs qui
inquiètent le chrétien d'aujourd'hui : statut du mariage et problèmes du
divorce, autonomie relative de la vie religieuse dans l'Église, possibilités
d'initiative locale en matière de mission, de catéchèse et de liturgie, autonomie
de la théologie, collégialité des évêques, réforme des conditions de
l'élection du pape et de celle des évêques, célibat sacerdotal, espace réel
d'un magistère, réforme des institutions nécessaires à l'exercice du Primat
de Pierre...
Ainsi, sans rien céder de ce qui est d'institution divine et sans rien
perdre de son radicalisme évangélique, l'Église offrirait un visage renouvelé
et porterait une parole crédible. Non seulement elle évangéliserait, mais
elle proposerait quelque remède aux inquiétudes de la modernité.