À l'oeuvre de Jean Rouaud semble s'appliquer l'expression qui sert
de titre à l'un des ouvrages de Maeterlinck : «trésor des humbles».
Dans Pour vos cadeaux, le narrateur - qui prend parfois son air le plus
«humble» (Sur la scène comme au ciel) - nous dit de sa mère qu'elle
a pris «une fois pour toutes le parti des humbles», des plus modestes.
Elle participe, à sa façon, à cette «révolution par les humbles» dont parle
Gilbert Durand. Et Jean Rouaud déclare : «J'ai trouvé insupportable
qu'on parle avec mépris de petites ou de moyennes gens. Il y a une ligne
de l'intolérable à ne pas dépasser qui s'appelle la dignité humaine» (Le
Monde, 1er octobre 1990).
Procédant de l'imaginaire intimiste, l'écriture roualdienne, qui se
situe entre l'image pure et le système de cohérence philosophique, pourrait
être désignée par l'expression : l'occulte du moi. Le discours utilise
tous les degrés de l'antiphrase.
L'écrivain s'inscrit ainsi dans une tradition qui va de Dostoïevski à
Georges Hyvernaud, en passant par Octave Mirbeau, Charles-Louis Philippe,
Émile Guillaumin et Alain-Fournier.