"L'Allemagne de 1914, lancée dans la Weltpolitik,
n'eût jamais déclaré la guerre si elle avait posément
compris son intérêt. Elle pouvait, sans faire appel aux
armes, poursuivre dans le monde son développement
économique. Qui eût osé se mettre en travers ?
Formidable déjà, et soutenu d'ailleurs par une active
propagande comme aussi par une puissance militaire
reconnue sur terre et sur mer, qui garantissait à ses
voyageurs de commerce comme à ses ingénieurs en
quête de concessions à l'étranger un accueil des plus
avantageux et par là une capacité de pénétration et
d'acquisition incomparable, le développement
allemand dans une marche constante distançait
grandement celui des autres nations. Sans faire de
guerre nouvelle, l'Allemagne conquérait progressivement
le monde.
Mais le gouvernement de Berlin, grisé par sa
puissance et emporté par un parti pangermaniste
aveugle, pleinement confiant d'ailleurs en son armée
supérieure à toute autre, ne craignait pas de recourir
aux armes et d'ouvrir une ère de lourdes hécatombes
et de redoutables aventures pour hâter cette domination
du monde qui lui était réservée, à son sens.