La mémoire d'une vie se construit de fragments visuels auxquels
s'accroche encore un sentiment très intime tandis que
s'évanouit la société où ils sont nés. Dominée par le charbon,
ses usages et son énergie, la Société Carbonifère a duré en France
moins de deux siècles. Elle façonnait sans éclat, sans tumulte
(hormis celui des mines, des hauts-fourneaux et des immenses
usines d'alors, que peu de gens visitaient), les bruits, les couleurs,
les odeurs, et aussi les conduites, celles des adultes, celles
des enfants. On y était plongé, on n'y prenait pas garde. Une
fois tout ce temps nettoyé, avalé, remodelé et réemployé par
de nouvelles technologies et pour de nouvelles pratiques, son
souvenir a resurgi et s'est imposé à l'auteur. Ce sentiment n'est
pas le sien seul, il est celui d'un devenir collectif, mais il ne
pouvait le dire qu'avec ses mots et ses expériences. Les ombres
du paysage intérieur impressionnent autant que celles qui se
projettent sur les murs.