Occultée par la vision littéraire antagoniste de La Case de
l'oncle Tom et d'Autant en emporte le vent, la guerre de Sécession
demeure méconnue. Elle fut pourtant un conflit majeur
qui marque le passage de l'ère napoléonienne du combat, centré
sur la bataille, à la «guerre totale» qu'elle annonce par
ses pertes massives, la mobilisation des civils et l'innovation
constante manifeste dans l'invention des cuirassés, des sous-marins,
l'utilisation stratégique de chemins de fer ou le recours
à la tranchée comme moyen de fixation de l'adversaire.
Pour raconter cette guerre sans précédent, il fallait un
historien d'envergure internationale. Dans la lignée de ses
synthèses renommées sur les deux guerres mondiales, John
Keegan retrace les grandes batailles (Bull Run, Gettysburg)
et le duel des généraux (Lee contre Grant), mais il fait aussi
une large part aux enjeux stratégiques, à l'analyse psychologique
et à certains aspects trop souvent négligés comme
l'approvisionnement, la géographie militaire ou le rôle des
Noirs dans le conflit.
La victoire du Nord industriel contre le Sud rural
marqua au fer rouge la jeune République, mais la baptisa
aussi comme grande puissance en lui conférant un messianisme
démocratique, assis sur le progrès économique, qui
allait lui ouvrir les portes de la domination du monde. Ce
livre qui fera date permet ainsi de comprendre comment la
déchirure de deux peuples fonda une nation.