L'anthropologie est toujours allée chercher dans la linguistique les
instruments de son renouvellement. La philologie allemande est à
l'origine de l'oeuvre de Boas (1858-1942) et de son école ; Jacobson a
participé au structuralisme. Ces deux types de linguistiques ont
fournit des instruments d'analyse mais ont aussi puissamment contribué
à définir des objets d'études, la culture comme un tout, chez le
premier (contre l'évolutionnisme), les relations structurales pour
les seconds. Actuellement, l'élaboration depuis une vingtaine
d'années d'un nouveau type de linguistique - la pragmatique - entraîne
nécessairement le développement d'une nouvelle anthropologie.
Elle a tendance à examiner "leur façon, non leur sujet" selon
l'expression de Montaigne, en ce sens que les modalités d'expression
révèlent entre autres la qualité des informations ou le contexte dans
lequel elles s'expriment.
Ainsi quand vous rencontrez les mots, de catégorie préconstruite,
d'acte de langage, de discours naturel, de locuteur, de contexte,
d'attitude textuelle, de stratégie rhétorique, d'ethnologie
indigène... vous vous trouvez devant des préoccupations qui peuvent
se situer sous l'étiquette d'ethnopragmatique. Chacune de ces
expressions s'opposent à d'autres (locuteur : informateur, catégorie
préconstruite : catégorie indigène, ...) mais surtout indiquent
l'inscription dans une anthropologie d'un certain type et la présence
de certaines préoccupations : le détail de la parole indigène joue un
rôle central et ne se déploie et ne s'analyse qu'en interaction avec
l'enquêteur.
Ce livre cherche à préciser les démarches utilisées par
l'ethnopragmatique, les courants et les auteurs dont elle se réclame
et propose quelques tentatives d'applications.