Pendant longtemps les dix commandements ont tenu lieu de morale
minimale au peuple chrétien, comme au peuple juif : préceptes indiscutables,
car ce sont des commandements, faciles à retenir, car il n'y en a
que dix, ils se bornaient à prescrire ce qu'il ne faut pas faire. Bref,
la grande théophanie du Sinaï pour les simples.
Alors que les commandements étaient inscrits dans l'histoire d'un peuple
particulier, l'Église a prétendu reconnaître une loi naturelle dans leur
dictée divine. Mais en avons-nous encore besoin ? Notre morale n'a-t-elle
pas appris à se dispenser de tout dieu, et pas seulement de tous les autres
dieux que Iahvé ? Et d'ailleurs, si les sept derniers commandements
sont rationnellement déductibles de l'idée même de justice, pourquoi
alors en appeler à la Révélation ?
À moins que les dix Paroles, pour être vécues, ne requièrent d'être bien
autre chose qu'un code à appliquer. À moins que la charité en laquelle
elles sont accomplies n'en fasse l'expression concrète de «la loi en sa
plénitude» : la loi de liberté sans laquelle l'homme ne saurait être
humain. À moins que ces exigences ne nous disent la sainteté même
de Dieu, sainteté que Dieu entend nous donner.