Alors je suis retourné chez Duke, et ça
s'est aussi bien passé que lorsque Hodges
et Cootie ont reparu après quatre ou vingt
ans d'escapades. Duke était un vrai grand
seigneur. Il n'a jamais eu de domestiques :
ses musiciens devenaient ses pairs. Sans
fortune, il payait de sa poche la location
des studios où, en plus de toutes ses
tâches, l'orchestre jouait pour lui. Et ils
n'étaient plus à chaque fois qu'un seul
amoureux qui fait resurgir sa Béatrice. Ma
place était chez eux.
Maintenant que je me trouve de nouveau
seul dans la coulisse, avec mon trombone
élégiaque et le programme inutile
de mes souvenirs, je n'attends plus que la
mienne réapparaisse, puisque c'est moi
qui serai parti. Je ne connais plus que
l'attente motrice qui est le fondement du
rythme, et j'écoute l'orchestre qui redémarre
après quelques drus, hardis accords
du piano.
J. R.