L'Ermite et le Renégat
Mon propos n'est pas là de chercher à toute force ou créer entre Joseph Joubert et Jean Grosjean des liens qui n'existent pas pour tirer quelque nature définissable de la poésie, je ne les compare pas essentiellement : ils sont chacun si enfoncés dans leur chemin particulier qu'ils ne risquent pas de s'y rencontrer. La poésie n'a d'âge que celui des styles divers qui l'habitent avec plus ou moins de bonheur, en elle-même elle n'a pas d'époque. Je n'ai aucun scrupule à faire se côtoyer ces deux êtres si éloignés l'un de l'autre dans le temps. Je ne les rapproche pas, je les oppose sur un point qui ne concerne pas directement le propos de leurs écrits respectifs, qui est un point vital et inattendu.
Deux parcours typiques de la poésie dans lesquels la parole n'a parlé qu'après s'être perdue. Deux difficultés, deux exigences. L'une empêchée d'écrire par quelque défaut de sa source, l'autre qui écrit son empêchement envers la source qui le tient. Et, curieusement, deux formes du renoncement, dont le premier n'est pas nécessairement le plus stérile. Deux déserts, deux manières d'être au désert. Les déserts non plus n'ont pas d'âge.