Cet ouvrage, modeste par la taille mais ambitieux par son projet,
renonce à tracer trop précisément les frontières d'un continent qui,
au fond, n'en a peut-être pas. Rompant avec la stérile rhétorique des
«racines» et des «identités», il invite le lecteur à penser l'Europe
autrement. Et il le fait en focalisant l'attention sur un segment du
monde juif - son segment sépharade - qui a noué avec elle des liens
à la fois singuliers et exemplaires.
De Bagdad à Cordoue, de Tolède à Salonique, d'Amsterdam
au Nouveau Monde, les Sépharades obligent à un salutaire
décentrement du regard. Leur trajectoire traverse l'Europe, elle
l'inclut autant qu'elle la dépasse, et ce faisant, elle la révèle. Au point
de contact entre l'islam et le christianisme, à la fois «orientaux»
et «occidentaux», acteurs, parfois contre leur gré ou à leurs
dépens, de la modernité européenne et de ses développements
extra-européens, les Sépharades apparaissent dans les pages de
cet ouvrage comme un miroir où nous, Européens, redécouvrons
les traits ambigus et changeants de notre propre visage.