Si «l'utilisation de la notion d'identité commence par
une critique de cette notion», notait Claude Lévi-Strauss
dans son séminaire sur L'identité, il est indispensable,
nuançait-il, de voir en elle le «foyer virtuel» qui rassemble
les traits dominants d'une culture. L'Europe a ainsi
constitué son identité mouvante à travers les siècles en
intégrant rétrospectivement dans ce foyer les sources
grecque, romaine et chrétienne ainsi que de multiples
influences extérieures.
Tel est son premier paradoxe : sa culture particulière
s'est reconnue comme le foyer de la culture universelle en
soumettant le monde à une investigation rationnelle et
critique. Mais lorsque la critique retourne la raison contre
elle-même, elle succombe à la tentation de désavouer sa
propre culture. Tel est le second paradoxe de l'Europe : en
doutant aujourd'hui de sa vocation à exprimer l'universel,
elle se résigne à ce que Valéry appelait, dans Regards sur le
monde actuel, «l'illusion perdue d'une culture européenne».