«Ce que je suis : un écrivain en route dans sa langue. C'est dans
la langue qu'on chemine, autant que dans le paysage. Parfois je
m'arrête en plein vent : mes mots aussitôt ravalés, comme le voile
blanc sur la bouche des femmes druzes, comme un souffle d'homme
sur la soie protégeant un sexe humide de femme.
Je marche un peu seul sur la route de Hermel. Le chauffeur s'est
endormi dans la voiture.
Pas de secret à découvrir ou à livrer : je suis en mouvement sur
la terre rouge de la Bekaa, entre deux chaînes de montagnes.
Peut-être ne suis-je là que pour oublier ce qu'une femme a fait
de moi : un être hors de lui, condamné à marcher, penser, parler
seul (trois langues à la bouche et nulle envie qu'elles s'ébruitent
dans l'après-midi poussiéreuse).»