Le XVIIIe siècle s'est longtemps défini comme le temps des
certitudes et des grandes idées : nature, bonheur, libertinage,
Lumières et raison militante, autant d'étendards qui dessinent le
visage d'une époque placée par la Révolution sous le double
signe de la perfectibilité et de la philosophie. Cette lecture,
fondée sur le programme de l'Encyclopédie et le triomphe du
savoir dans les années 1760, laisse pourtant dans l'ombre
l'autre visage du siècle : celui qui élit la marge comme espace
légitime - il est des auteurs inclassables et des oeuvres qui
échappent aux codes de leur époque.
Ce volume se propose d'examiner du XVIIIe siècle non plus
ce qui se construit avec évidence, mais ce qui se défait ; de
privilégier sur la constitution des savoirs leurs mutations, sur
l'identité le mouvement, sur la certitude les dissolutions ; d'explorer,
au lieu des espaces familiers, les terres inconnues qui jouxtent
les frontières.
De la Régence, partagée entre l'autorité du Grand siècle et la
volonté de rupture, au Consulat, dont le monde en ruines impose
une refondation des modèles, de nouvelles figures émergent, qui
révèlent une prédilection pour les trajectoires à l'écart. Les textes
réunis dans cet ouvrage interrogent, à partir de différents corpus
(fictions, mémoires, dictionnaires, écrits sur l'art et la musique),
ces parcours dissidents du XVIIIe siècle.