Enfant, le suis-je resté moi-même, pour
écrire sur cet auteur que j'avais lu en entier
entre dix et treize ans ? Je me sens par la
mémoire, l'imagination, la joie ou la souffrance,
contemporain de tous les âges de
ma vie. Il suffit de retourner dans notre
sous-marin intérieur, de faire entrer l'eau
du passé dans les ballasts, et nous revoici
à contempler par les hublots les profondeurs
du temps.
Proust reclus dans sa chambre, Cocteau
l'avait comparé à juste titre au capitaine
Nemo, enfermé dans son Nautilus.
Comme lui, il régnait sur le monde, et
les eaux de l'océan figurent celles où s'enfonce
la pensée. Je sens un «allons plus
loin», écrivait Proust, qui ne s'arrêtait que,
comme le Nautilus, lorsqu'il avait touché
le fond.
C'est alors qu'on jette l'ancre, but du
voyageur, qui orne les trois plus gros et
plus beaux volumes de la collection
Hetzel. C'est alors qu'on songe au phare,
qui éclaire tous les autres tomes, rêves des
collectionneurs, des spéculateurs et des
vieux enfants.
J.-Y. T.