Par sa vision tragique du monde, Char semble moins intéressé
par les lendemains qui chantent que par les dangers
qui guettent l'humanité. Son oeuvre rejoint parfois les actes
d'accusation faisant de l'utopie l'antichambre du goulag et
des camps, la rendant responsable de la dégénérescence
des états dits socialistes en systèmes totalitaires. Le poète
indique souvent qu'entre l'ethos (qui recommande d'arrimer
la pensée au réel) et l'utopos (qui s'élabore à l'écart de la
réalité), il ne peut surgir qu'une incompatibilité essentielle.
Mais s'en tenir là serait ignorer qu'une grande part de cette
poésie demeure ponctuée d'images-souhaits de la conscience
désirante. Aussi peut-on dégager, à l'intérieur même de sa
critique, une invitation à penser l'utopie autrement.