Que signifie être radical sous la Ve République ? Quel espace
politique occupe le radicalisme depuis 1958 ? Comment exister pour
un élu radical dans un système politique structuré et dominé par le
clivage partisan gauche/droite ?
L'étude de la trajectoire politique de Robert Fabre entre 1962 et
1995 rend compte du «malaise radical» sous la Ve République. Le
«petit pharmacien de Villefranche-de-Rouergue» a inscrit le
radicalisme dans la gauche lorsqu'il a quitté le Parti radical pour
fonder le Mouvement des radicaux de gauche (MRG) et qu'il a signé
le programme commun de gouvernement en 1972. Le notable
aveyronnais a été le «troisième homme» de l'Union de la gauche aux
côtés de François Mitterrand et de Georges Marchais. De plus en plus
mal à l'aise et mal situé dans une gauche déjà «plurielle», Robert
Fabre va chercher à affirmer son identité radicale. Il recourt alors à une
pratique peu répandue chez les notables radicaux : le coup d'éclat
médiatique. C'est ainsi qu'il se rend à l'Elysée en 1975 pour
s'entretenir avec le président de la République Valéry Giscard
d'Estaing. En 1977, il bouscule Georges Marchais en direct au journal
télévisé de 20 heures pour annoncer l'échec de la réactualisation du
programme commun ; et en 1978, il proclame, depuis sa mairie de
Villefranche-de-Rouergue, la rupture de l'Union de la gauche. Dans
une configuration politique très manichéenne, Robert Fabre
n'échappera pas aux accusations de trahison et de ralliement à la
droite. Aussi, ce n'est qu'une fois retiré de la vie politique qu'il pourra
«pratiquer» son radicalisme naturel en occupant successivement les
fonctions de médiateur de la République et de membre du Conseil
constitutionnel.