Dans les campagnes bocagères du Charollais, le protectorat
nazi nommé «Etat français» ou régime de Vichy transforma le
sanatorium de La Guiche en camp d'internement de 1941 à
1944. En ce lieu, destiné aux soins des tuberculeux, il interna
des étrangers «en surnombre», des juifs, des communistes, des
patriotes, des «défaitistes», des «apatrides» et des droits
communs... tous tuberculeux. Ainsi s'opéra une continuité. «Le
sanatorium surveillé» de La Guiche représenta dans sa
quotidienneté le vichysme ordinaire.
Le 24 mars 1944, les partisans des maquis FTP de la côte
chalonnaise attaquèrent le camp et libérèrent 27 internés,
réalisant ainsi une opération militaire d'envergure en plein coeur
du dispositif de terreur vichyste. Cette action fut ressentie par
l'Etat comme un affront sans précédent en Saône-et-Loire.
L'auteur a conduit une enquête de quatre années à partir
d'une investigation ethnographique de la mémoire des
maquisards, d'anciens internés, de leurs parents, combinant
diverses sources, écrites et orales, privilégiant la parole des
acteurs de la situation, mettant en lumière le caractère
«ordinaire» de ce camp d'internement et faisant resurgir les
figures des internés.
De manière connexe, il a été conduit à enquêter sur la
manière dont l'histoire a été écrite et sur les manières
d'organiser le «dire» comme forme de pouvoir sur
l'événement. Enfin, une campagne organisée pour l'apposition
d'une plaque commémorative sur l'ancien sanatorium a mis en
évidence les pratiques réelles recouvertes par le «devoir de
mémoire», si souvent invoqué de façon incantatoire.