Selon la philosophe Judith Butler, le problème de la soumission nous concerne tous, ne serait-ce qu’en raison de notre attachement aux personnes à qui nous sommes subordonnés – notamment l’enfant à ses parents. Toute vie humaine se présente comme le site d’un conflit irrésolu entre soumission et émancipation ; les femmes se retrouvent toutefois dans une position singulière en raison de l’association encore souvent posée entre féminité, passivité et soumission. Dans un tel contexte, comment penser le désir des femmes sans les placer dans une position réactive – où elles ne pourraient que répondre au désir des hommes pour elles ?
Malgré la grande place attribuée à la sexualité dans la littérature actuelle des femmes, on s’est peu interrogé sur la façon dont l’expression d’un désir marqué par la soumission soulève des questions sur l’imaginaire contemporain. En s’appuyant sur des œuvres de Nelly Arcan, Catherine Millet et Annie Ernaux, Joëlle Papillon propose que, derrière une soumission de surface, les narratrices expriment une résistance aux normes de la féminité. Pratiquer une « passivité active » permet à ces femmes désirantes de rejeter la place qui leur est faite dans les échanges sexuels traditionnels, nous incitant à réimaginer les formes qu’emprunte l’agentivité sexuelle des femmes.