« La chaise crie. Jeanne s'est relevée comme si un courant électrique lui avait pincé le postérieur. Elle sait seulement le mythe de Narcisse tombé amoureux de son reflet dans l'eau, insensible à l'amour sinon celui pour lui-même, une passion sans espoir :
- Le Narcisse, c'est toi. Tu es uniquement préoccupé de toi-même, de l'image que tu veux projeter. Tu ne tiens pas compte des autres, de moi, de tes fils. Nous ne sommes là que pour te rassurer sur l'apparence de normalité que tu exiges...
- ... Jeanne, Jeanne, je croyais que nous étions d'accord...
- ... Narcisse tente désespérément de rattraper sa propre image. Toi tu es figé sur une seule facette de toi, celle qui te donne bonne conscience : homme d'affaires, époux, père, amateur compositeur. Ton vrai toi, tu l'étouffes et tu m'étouffes aussi. »
Camille a trouvé dans la musique un lieu où il peut véritablement être lui-même. Jeanne, qui n'a conscience de rien d'autre que cette idée de la féminité qui lui a été inculquée selon les convenances d'une époque, n'a d'autre choix que d'observer à distance, avec docilité et obéissance. Puis, à l'abri des regards, au-delà des règles, attend la digression. Quelles sont les notes qui lient Jeanne et Camille ? Parfois, ce sont celles qui, faisant dissonance, forcent l'un comme l'autre à repousser le champ des possibles vers un espace de liberté insoupçonnée.