Définir la nation, c'est définir qui « en est », qui « n'en est pas ». Mais pour bâtir et faire vivre un pays, les frontières sont autres.
La France a cela de particulier en Europe qu'elle est un pays d'immigration, devant les États-Unis à certaines périodes. Les immigrés étaient là en 1914, là aussi durant le Front populaire, là encore pendant la Seconde Guerre mondiale, là toujours lors des Trente Glorieuses ou lors de la crise de 1973.
Présents comme bâtisseurs, présents dans les mouvements sociaux, dans l'évolution de la culture française depuis deux siècles. Qui prend le temps de chercher les retrouve sur les photos de famille ou de classe, souvent renvoyés au dernier rang.
Dans les films d'actualité, les archives, il n'y a pas, où très peu, de mention de leur présence.
Ils sont bien là pourtant, au fond de la mine, à la sortie des usines, leur condition d'immigré s'efface derrière leur identité d'ouvrier, de mineur.
Au roman national figé une fois pour toutes dans ses anecdotes édifiantes, ses héros empaillés, sa légende dorée qui prétend tracer une voie unique, une identité dans laquelle nous devons communier, s'oppose un autre récit aux voix multiples, où chacun vient raconter à sa manière son histoire.