L'oeuvre et le temps V
L'oeuvre politique
Politique
Ce cinquième et dernier tome de L'oeuvre t le temps traite de la politique. A l'heure où celle-ci est gravement en crise, il nous rappelle qu'elle ne peut être qu'une oeuvre collective, tout comme la ville (polis).
Une oeuvre. De même que dans l'oeuvre d'art, la forme nous donne accès au mouvement qui la détermine, de même en politique il ne s'agit pas de flotter au fil de l'eau : le poisson tient sa forme vivante de son corps à corps dans le temps avec l'eau qui résiste. Nous retrouvons ici la thèse du livre en son ensemble : en vie sociale aussi, le type d'organisation (la forme) est fait d'une rencontre, à la fois lutte et accord, avec l'altérité, la matérialité, la temporalité du monde.
Voilà qui s'oppose clairement aux deux grandes attitudes qui, dans leur antagonisme, ont dominé les siècles récents, nous conduisant là où nous sommes. D'une part une ligne libérale anglo-saxonne : il n'y a plus d'accord, soumission à la nature (le fil de l'eau). De l'autre, plus française ou gréco-latine, l'artificialisme constructiviste ; technocratie d'un Descartes ou idéo- cratie d'un Platon, il n'y a plus que lutte et abstraction aux conséquences autoritaires voire totalitaires. Voilà aussi qui ouvre vers une solution au grand problème de l'heure : comment concilier nature et technique ?
Une oeuvre collective. Puisqu'il n'y a forme et oeuvre que par travail et résistance, la meilleure garantie qu'il en va bien ainsi en politique réside dans le fait que tous y participent (démocratie). Tous dans leur pluralisme et leurs contradictions, qui relèvent de leur présence vivante, à la fois commune et diverse, à l'autre, la matière et le temps. Une importante discussion est en ce point inaugurée avec plusieurs courants qui se réclament d'une « post-modernité » de simulacres, de communication sans chair. Souhaitons qu'elle s'étende et qu'elle s'approfondisse.
Beau travail que Stéphane Gruet nous donne là, et qui correspond à son titre : c'est une oeuvre qui fait vraiment penser, au coeur du temps.
Paul Blanquart