Cet essai a pour ambition première de rendre compte des profondes transformations
qui affectent le genre viatique à un moment de son histoire, alors que des
professionnels de l'écriture s'emparent d'un domaine dont ils étaient auparavant peu
ou prou exclus. La Promenade désigne dans ces pages la mise en livre d'un type particulier
de déplacement, non contraint par la recherche d'un quelconque profit. Une génération
d'écrivains, de Chateaubriand à Gautier, se lance sur les chemins. Nos voyageurs goûtent les
saveurs de l'ailleurs et se laissent aller aux excursions mentales les plus diverses : plongée
dans un passé personnel, envol de l'imagination, méditations ou rêveries. Dès lors, l'allure
du récit s'accorde avec la fluctuation des humeurs et la variété des situations ou événements,
comme s'il existait une forme de connivence entre une manière d'être au monde et sa mise en
mots. Une telle poétique fait la part belle à un art consommé de la conversation, à l'humour, à
des topographies où s'exerce la virtuosité du relateur. Elle se prête bien sûr à toutes sortes de
confidences. Il arrive ainsi que la vérité se mue en poème et que le Voyage, devenu Promenade,
puisse s'inscrire pleinement dans le champ littéraire.