Le jeune garçon est devenu jeune homme. John a échappé à sa famille étriquée et à l'amour étouffant de sa mère. Tout en achevant ses études de mathématiques, il dévore la littérature mondiale et caresse son grand projet: quitter l'Afrique du Sud au bord de la révolution et se consacrer à l'art et à l'amour qui fera crépiter la flamme de la création.
Mais Londres, c'est sa saison en enfer. Dans la ville cruelle où il reste un étranger, un colonial indésirable, il fait l'amer constat que le malheur est son élément: manque d'aplomb, d'ardeur, d'élan, manque de coeur. Échec et mat et fin de partie beckettienne.
Cet autoportrait de l'artiste comme jeune homme, crispé et méfiant, éclaire la genèse de l'oeuvre de J.M. Coetzee par l'évocation de ses vastes lectures, de ses découvertes en musique et en peinture contemporaines. Célèbre pour sa réticence à se livrer, l'auteur confesse ici avec une impitoyable lucidité ses rêves d'amour fou, ses solutions farfelues aux crises d'un monde en proie à l'apartheid, à la Guerre froide ou au conflit du Vietnam. Analysant les souffrances du jeune Coetzee, il a le cran de nous laisser sourire, et même rire, de ses interrogations et de ses mécomptes. Mais au-delà de l'échec du poète féru de Pound, d'Eliot, de Neruda et de Brodsky, se profile le romancier qui écrira Terres de crépuscule et Disgrâce: l'Afrique du Sud, blessure qui n'en finit pas de faire mal.
Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis
L'oeuvre de J. M. Coetzee a été récompensée par le prix Nobel de littérature en 2003.