
À coups de théâtre
Jean Gillibert n'a cessé de se battre avec la réalité du théâtre pour la mieux servir. En refusant la supposée vérité des dramaturgies « rationnelles », nées des Lumières de Lessing ; lesquelles ont ignoré, par idéologie interprétative, le devenir d'une oeuvre de théâtre.
La réalité du théâtre grec a pris racine dans le passage de l'épique au tragique. Il fallait alors un lyrisme absolu pour servir cet enjeu essentiel. Sénèque, en bon Romain, Claudel en bon « Catho », n'ont donné au lyrisme qu'une « Raison ». Shakespeare, dans sa fureur historique, a su conduire au plus haut niveau une fureur de néantisation. Contre le pouvoir absolu, Racine a chanté par l'élégie, c'est-à-dire la « modestie » humaine devant la mort, le pouvoir de grâce d'un Dieu caché. La Révolution de 89 - toutes les révolutions - n'a pas su sécréter une pseudo réalité théâtrale. Nerval et Baudelaire, hantés par le théâtre, ont admirablement senti et douloureusement vécu. Claudel, Genet, Beckett ont tapé sur le « gong » : tout a résonné au cirque du langage confondu avec le verbe. Brecht, avec un grand art, a cru servir le refus du tragique en nourrissant un épique de partisan, souvent de pacotille. L'impuissance lyrique, poétique, est atteinte même en opéra de l'atonalité.
C'est à cette réalité que Jean Gillibert s'est mesuré dans cet ouvrage franc et ample, dans le style qu'on lui connaît.
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