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" Drôle d'idée à mon âge d'aller fleurir la tombe de ma mère à Sidi-Moussa, au sud d'Alger. Ma mère n'a plus peur des Arabes et je n'ai personne à ménager. Comme pas mal d'autres, j'ai lutté pour que cette terre qui ne nous appartenait pas soit rendue à ceux qui l'habitaient autrefois. Entre la France et l'Algérie existe un sentiment trouble et violent, vaguement coupable. Aux Algériens, nous avons apporté l'Occident et quelque chose de plus. Résultat : ils s'égorgent entre eux. Pas tous. À présent nous avons les mêmes ennemis. J'espérais retourner à Rovigo où j'ai été baptisé en 1907. C'est trop dangereux. À L'Arba aussi. Partout les ponts sont coupés, partout on peut vous tuer. La ferme où j'ai vécu enfant n'existe plus, le cimetière est le seul endroit de la plaine où l'on peut rencontrer des Français.
Sur la tombe de ma mère, j'ai dit à mon compagnon, un pied-noir, ancien activiste, et aux Arabes qui nous protégeaient : "Allez, ouste, on s'en va." Si j'avais seulement pu verser une larme. Une seule."