Jehan était un homme d'affaires autodidacte, un poil truqueur, un poil fraudeur, un manipulateur virtuose alternant flatterie et vacherie. Et puis il est mort sans crier gare de toutes les clopes fumées et tout le whisky bu. Jehan était mon père... et moi, Sébastien Lefaucheux, quadragénaire et prof, je me sens orphelin comme le Petit Poucet.
J'en étais encore à trier le fatras de l'héritage, empêtré dans mon chagrin, quand le principal de mon collège m'a parlé de l'invité d'honneur de notre petit concours de scénarios : Damien Faulques, un auteur parisien qui mitraille les petits maîtres de la littérature dans une émission radiophonique. Une vieille connaissance : Foku, comme on l'appelait avec mes camarades de service militaire, quand déjà il nous ignorait superbement.
Tandis que je végète dans mon Boischaut Sud, à couver des yeux mon bonheur familial sans écrire une ligne du roman qui me rendra riche et célèbre, Monsieur promène de cocktails en salons du livre ses mépris faciles, son rire ampoulé et sa bouche en cul-de-poule.
Alors quoi ? M'offrir une petite distraction au chagrin ? Offrir à mon père un mausolée de l'arnaque, mais dans mon rayon, c'est-à-dire littéraire, cognac et rock'n roll ? Et hop, me voici bricolant un faux manuscrit génial et oublié, dont la découverte doit enthousiasmer Foku puis le ridiculiser quand le monde entier apprendra que j'en suis l'auteur.
Seulement, quand on s'entoure de trop de complices, il devient difficile de contrôler leurs initiatives pas toujours bien intentionnées. Ajoutez à cela le vieil automatique illégal retrouvé dans le bazar de Jehan, et la farce littéraire innocente a de grandes chances de tourner au Cluedo foireux... et de me transformer en Colonel Moutarde avec le pistolet dans la cuisine.