Entre 1899 et 1950, «Bypeed» et la «Petite Dame» - c'est-à-dire
André Gide et Maria Van Rysselberghe - échangent plus de huit
cents lettres : exemple rare d'un demi-siècle d'une amitié profonde
et constante à travers tous les bouleversements. Ceux de l'Histoire : deux
guerres mondiales (expérience du Foyer franco-belge pendant la Première,
exil pendant la Seconde), la montée du nazisme et du communisme
(voyage de Gide en URSS), la question coloniale (ses voyages en Afrique),
mais aussi l'évolution morale et sociale. Ceux de l'intimité : la relation
entre Maria et Aline Mayrisch, celle entre Gide et Marc Allégret, et bien
sûr celle de l'écrivain avec la fille de Maria, Élisabeth Van Rysselberghe,
qui lui donnera un enfant : Catherine.
Dans ces lettres où la littérature est le ferment de l'amitié, André Gide
se montre à la fois joueur et sincère, parfois audacieux dans le style et
la narration. À l'ombre de son grand homme, dont elle est souvent la
première lectrice et critique, la Petite Dame fait preuve d'admirables
dons de description et de psychologie. Sa personnalité enthousiaste
dresse un tableau vivant du Gide écrivain et du Gide intime, de leur petit
groupe d'amis (Henri Ghéon, les Schlumberger, les Copeau, les Verhaeren,
Marc Allégret, Martin du Gard, etc.) comme des affaires familiales ou
domestiques.
Cette correspondance, parmi les plus importantes d'André Gide, vient
précieusement compléter d'un côté les Cahiers de la Petite Dame (qui
commencent en 1918) et de l'autre son Journal, publiés chez Gallimard.
Éditée et annotée par Peter Schnyder et Juliette Solvès, elle nous permet
d'aborder, dans un univers lettré et cultivé, la «fabrique» de l'écrivain.