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Mercure descend des cieux à Athènes faire relier le livre des destinées en mauvais état ; deux canailles s’emparent du livre et l’échangent contre un autre. Des philosophes, toujours à Athènes, cherchent dans la poussière du théâtre les fragments de la pierre philosophale que Mercure, par jeu, à réduite en poudre. Cupidon, de sa flèche, lance une femme hésitante dans les bras de son amant ; un cheval réclame au palefrenier le droit à la saillie à la saison des amours. Deux chiens doués de parole dissertent sur l’utilité d’un tel don. On n’a pas fini de gloser sur le méschant petit livre de Bonaventure des Périers mis au feu dès sa parution en 1537. Son auteur, amant de Marguerite de Navarre, disparut presque aussitôt dans des circonstances que l’on a jamais pu élucider, il fallut attendre près de trois cents ans après sa publication pour que l’on commence à en pressentir l’importance. Car ces quatre dialogues facétieux, composés dans l’anonymat à Lyon, jouant sur l’allégorie et anagramme dans un langage savoureux, professent un authentique athéisme, qui dérouta Lucien Febvre lui-même dans ses études sur l’incroyance au XVIe siècle. C’est que reconnaître sous la masque de Mercure, dieu des voleurs et de la parole torve, le Christ en personne, la Bible sous le livre des destinées, et concevoir que la Loi divine peut bien valoir celle des hommes et que toutes deux s’équivalent dans l’art de la tromperie, risquent en effet de mettre à mal bon nombre de convenances encore vivaces de nos jours. Et le Cymbalum va encore au-delà. À travers la manipulation du subterfuge langagier, la dissimulation et l’ironie, Bonaventure des Périers, inspiré par toutes les traditions sceptiques depuis l’Antiquité, élabore avec finesse une apologie du silence, seul argument, narquois sans doute, à opposer à tous les diseurs de vérité qui emplissent le monde de leur tintamarre, comme celui d’une vulgaire cymbale. La vertigineuse richesse du Cymbalum mundi, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, a déclenché depuis le XVIe siècle une immense littérature érudite, parfois myope devant le sens caché du livre, comme il arriva à Voltaire, et, jusqu’à présent, il n’existait pas d’édition courante du texte, ici adapté en français moderne. Charles Nodier fut sans doute celui qui, avec son Bonaventure des Périers de 1841, permit au Cymbalum d’élargir un peu son audience, tout en donnant quelques clés nouvelles pour son interprétation et rappela que la lecture du méschant petit livre est aussi un jeu que son auteur proposa au lecteur voici quatre cents ans, jeu qui dure encore.