En ces débuts du VIe siècle, deux ouvrages surtout s'imposent
à l'attention : la Vie des Pères du Jura, où se dessine l'évolution
d'un monachisme qui se réclame de modèles orientaux tout
en s'en détachant, et la Règle du Maître, législation italienne
préparant celle de saint Benoît. Non loin de ce dernier, l'abbé
napolitain Eugippe célèbre le mystérieux Séverin, patron de
sa communauté, et rédige pour celle-ci une règle qui, comme
celle de Benoît, emprunte beaucoup au Maître, tout en se
réclamant avant tout d'Augustin.
Dans le Valais, la fondation royale d'Agaune entreprend de
louer Dieu sans interruption, jour et nuit, par un office choral
qu'assurent à tour de rôle plusieurs équipes de moines. Une
certaine hypertrophie de la prière commune se sent aussi
dans les Règles de Césaire pour les moniales et pour les
moines. Ce grand évêque d'Arles et ses collègues légifèrent
pour les moines depuis le concile d'Agde (506) jusqu'à
celui de Clermont (535), d'où semble émaner la mystérieuse
«Règle orientale». Le monachisme oriental proprement dit
se manifeste en Italie par les menées tumultueuses des
moines scythes et l'oeuvre pacifique de Denys le Petit, tandis
qu'un concile de Carthage (525) règle les différends des
monastères d'Afrique avec l'épiscopat. C'est au milieu de ces
tentatives et de ces remous que s'est élaborée l'oeuvre de
Benoît.