Du côté de l'ennemi
Souvent, l'admiration pour un grand écrivain stimule. Parfois, elle révèle. La plupart du temps, elle enrichit. Mais elle peut aussi, sinon tuer, du moins conduire à un désespoir stérile.
Tel est le drame, évité de justesse, que raconte ici, à propos de Proust, un écrivain pour qui l'auteur de la Recherche du temps perdu est l'Ennemi.
Tout au long de cette autofiction scripturale se répondent deux visages, l'homme qui détecte l'adversaire, la femme ensuite dont la vie se lance dans une folle entreprise d'adoration destructrice pour aboutir à la création, au cours d'un parcours implacablement cohérent où tous les signes parlent.
Bien plus qu'une anthologie romancée ou la psychanalyse d'un mythe personnel, ce roman de l'intime, presque d'un seul souffle, sinueux et violent, fait revivre l'enfance avec les pièges de la famille et enquête sans complaisance sur la découverte de la sexualité par une femme qui ose donner à entendre que l'homosexualité n'est qu'une création contrariée.
Après avoir donné, chez Orizons, en 2009, Faux et usage de faux, un texte romanesque, subtil et puissant, qu'articule la quête initiatique de la création, voici avec Du côté de l'ennemi un roman d'une force et d'une écriture remarquables. Son éditeur pense que Lucette Mouline, pas à pas, discrètement mais sûrement, tisse une oeuvre d'écrivain parmi les plus hautes de ce temps.