flirt avec elle est ce que j'ai pu faire en 2022, humblement tout ce que j'ai pu écrire, rivé à l'horreur de la guerre en Ukraine qui a laissé une marge de manoeuvre très étroite à mon écriture à ma vie. Là je rentre de Lyon, où je suis allé voir l'exposition Poussin et l'amour au Musée des Beaux Arts, je savais que j'y reverrais L'inspiration du poète, non seulement la grande sublime version du Louvre à laquelle je me suis référé toute ma vie, vérifiant à chaque fois que ça existe bien et à quoi ça peut ressembler, l'inspiration du poète (qui n'est j'en suis persuadé pas différente de l'inspiration du romancier, il suffit de songer à celle de Pasternak écrivant Jivago). Je prends, chaque fois que je me plante devant lui (mais ce pourrait bien être lui, le tableau, qui se plante devant moi), je prends une sacrée leçon, je savais aussi que je verrais à Lyon une version antérieure ou première pensée, celle du musée de Hanovre, craquante de sensualité et de provocation, et que, pour la première fois et certainement la dernière, je verrais ces deux peintures côte à côte, mais cette fois, dans le train du retour, un merveilleux tgv italien, Poussin et ses tableaux me traitaient sans ménagement, me disaient quelque chose comme, « toi, avec ton flirt avec elle, et ta soi-disant prétention de te mesurer à la guerre en Ukraine, on t'a à l'oeil, t'as intérêt à numéroter tes abattis ». Tout ce que j'ai trouvé à répondre à Poussin, c'est qu'il me semblait que je devais transcrire au jour le jour la façon dont j'enregistrais cette guerre et la proximité avec la mort qu'elle imposait, et aussi, et surtout, que je devais en profiter, si je puis dire, pour repousser les limites de mon écriture, la mener à la frontière du romanesque, écrire si possible comme je n'avais jamais écrit, sûrement devais-je parler à haute voix, et avoir l'air très troublé puisqu'une hôtesse, dans le tgv lancé à 260, a jugé bon de me demander si tout allait bien