François Perroux (1903-1987), qualifié par P. Drouin de « Claudel de l’économie », fut sans doute, à la fois, « l’économiste français le plus renommé, le plus fécond et le plus singulier de notre siècle » (Le Monde, 4 juin 1987). Le plus fécond par la dimension phénoménale de son œuvre (voir encadré) ; le plus renommé non seulement par la diffusion de sa pensée auprès de ses pairs mais aussi par sa présence dans les instances officielles : dès 1945, François Perroux a ainsi joué un rôle majeur pour la compréhension de la planification à la française, pour l’introduction des techniques quantitatives et de la comptabilité nationale et, finalement, pour le renouvellement de la pensée économique en France ; le plus singulier, enfin, du fait de l’autonomie de sa pensée par rapport aux courants dominants de l’analyse économique (Savall, 2005), rejetant aussi bien l’équilibre walrasoparétien de l’approche néoclassique que le matérialisme marxiste. Soucieux de proposer une alternative cohérente à la théorie des marchés, le projet de Perroux est ambitieux : la construction d’un cadre analytique plus à même d’appréhender la réalité dans toute sa richesse, de manière à développer un jeu de propositions politiques adaptées. Pour ce faire, ses réflexions « sont le produit d’une observation aiguë de la réalité contemporaine (...) ; toute l’oeuvre de Perroux tend à livrer cette leçon essentielle que seule une bonne connaissance des faits permet de produire une théorie satisfaisante tout autant que cette théorie est indispensable à la maîtrise de la connaissance des faits » (De Bernis, 1978, p. 124).