Les Nouveaux éléments de géométrie sont nés de rencontres faites par
Antoine Arnauld en des moments successifs de sa vie. Pour rivaliser avec
Pascal, auteur d'une Introduction à la géométrie, il composa ses
Nouveaux éléments, dont une première version préfacée par Nicole parut
en 1667. Seize ans plus tard, en 1683, fugitif en exil, il en publia une
seconde. Entre ces deux dates, il en remania de fond en comble toute
l'axiomatique, sans que pour autant soit en rien ébranlé l'édifice qui reposait
sur elle. L'occasion de cet étrange bouleversement fut la rencontre
avec le janséniste gantois François de Nonancourt, chez lequel Arnauld
lut l'Euclides logisticus, où son hôte restaurait les fondements de la
géométrie de manière non euclidienne.

Outre le fragment subsistant de l'Introduction à la géométrie de
Pascal, nous publions pour la première fois les deux versions des
Nouveaux éléments de 1667 et 1683, de manière à permettre au lecteur
de suivre le cheminement de la pensée d'Arnauld. Nous publions aussi
pour la première fois le texte original et la traduction française de
l'Euclides logisticus.

Ces ouvrages, replacés au coeur des controverses qui ont secoué Port-Royal,
notamment la polémique des Provinciales, témoignent de la vitalité
de sa réflexion savante. Loin des travaux menés sur le front des
mathématiques supérieures, ils ont en commun de chercher l'invention
dans différents retours aux fondements : Pascal jette les bases d'une géométrie
de position, Arnauld d'une théorie générale des grandeurs, et
Nonancourt d'une axiomatique des raisons. Leur nouveauté réside aussi
dans la création d'une langue mathématique précise, claire, débarrassée
du jargon technique, accessible à l'honnête homme, et capable de lui
apprendre à penser : ces «géométries de Port-Royal» sont en cela le complément
naturel de la Logique, des Pensées de Pascal et des Essais de
morale de Nicole. Non seulement elles ont exercé une influence profonde
sur la philosophie et la pédagogie des mathématiques en France, mais
elles sont aujourd'hui une voie d'accès à la pensée des grands savants de
l'époque classique.