En écrivant Germinie Lacerteux, les frères Goncourt
tentèrent de restaurer la tragédie en l'adaptant à un sujet ignoble
au lieu de noble, afin de fonder une littérature qui leur parût
digne de l'esprit du siècle. Bouleversés par la récente disparition
de leur servante, ils empruntaient à leur propre existence les
moindres détails de cette douloureuse histoire, qui semble tissée
des fibres mêmes de leur être. Lorsque le roman parut, en 1865,
Sainte-Beuve en mesura si pleinement la scandaleuse beauté
qu'il invoqua, pour l'appréhender, la nécessité d'«une poétique
tout autre que l'ancienne, une poétique appropriée aux
productions d'un art nerveux, d'une recherche nouvelle».