Les relations entre les Habsbourg et les Ottomans constituent un
chapitre important des relations complexes que l'Islam entretient
avec la Chrétienté. Les deux dynasties ont gouverné durant
quatre siècles des empires multiethniques et multiconfessionnels
qui se sont affrontés à partir de 1520 pour la domination de
l'Europe centrale. Jusqu'en 1700, les Ottomans ont représenté une
menace d'autant plus grave (sièges de Vienne par les Turcs en 1529
et 1683) que les Habsbourg étaient mal soutenus par le reste de la
Chrétienté. Ceux-ci ont néanmoins réussi, avec l'appui de
quelques alliés (Allemands du Saint Empire, Polonais, Espagnols,
papauté) à empêcher les Ottomans de conquérir toute l'Europe
centrale. Il n'y eut jamais d'union sacrée de l'Europe contre le péril
ottoman, parce que les intérêts des princes, des États et des nations
étaient en contradiction avec une conception idéaliste des relations
internationales. Les Habsbourg ont contenu les Ottomans
grâce au système de la «frontière militaire», qui a marqué profondément
le paysage humain de l'ex-Yougoslavie. Même lorsque les
Ottomans eurent perdu leur supériorité militaire, les Habsbourg ne
jugèrent pas opportun de reconquérir les Balkans, car la Sublime
Porte était considérée comme indispensable au maintien de l'équilibre
européen. Et lorsque les Habsbourg s'emparèrent tardivement
de la Bosnie-Herzégovine, ils précipitèrent la disparition des deux
monarchies, étrangères à la conception jacobine de l'État nation,
qui ne survécurent pas à la Première Guerre mondiale.