Comment qualifier ce petit objet ? Livre ? Disque ? Livre-disque ? Livre
d'artistes ? Peu importe ! Ce qui compte c'est la rencontre du sculpteur
et du musicien, du père et du fils pour créer cette correspondance au sens
propre du terme où l'un écrit à l'autre avec l'outil qui lui est propre : le trait
pour Josef, la clarinette pour Alexis. Faut-il savoir qui du sculpteur ou du
musicien a parlé le premier ? Peu importe là encore ! La connivence est de
toujours et l'échange n'avait besoin pour s'incarner dans la matérialité de
l'objet que du talent de l'éditeur. Josef Ciesla déroule donc ses dessins l'un
après l'autre, chacun appelant le suivant pour raconter une histoire qui n'est
connaissable que de lui-même car elle vient des bruissements secrets qui
surgissent du plus profond de son imaginaire. Seuls la poudre de plomb et
l'encre impalpable semblent pouvoir évoquer et transcrire ce débordement
inaccessible à tout un chacun et pourtant Alexis, le fils, décrypte sur sa
clarinette les pages dessinées-écrites par le père et donne à toutes, l'une
après l'autre, une réplique, un écho, un sens. La musique s'abîme dans
l'image et l'image dans la musique jusqu'à ne produire qu'une seule et
même oeuvre. Est-ce à dire que tout sera clair ensuite, que tout deviendra
limpide et lumineux ? Oui sans doute, on en a le sentiment. Pourtant plus
on écoute Alexis, plus on tourne dans le même temps le dessin qu'il fait
sien et plus le mystère s'ajoute au mystère. L'oeuvre se laisse approcher,
contourner, séduire, domestiquer un peu mais elle demeure inconnaissable
au fond comme le sont les créations vraies. Il conviendra seulement alors
pour l'amateur qui aura cet objet en main d'en tourner les pages une à
une et de se glisser doucement dans la musique qui correspond à chacune
d'entre elles. Peut-être apercevra-t-il alors quelques-uns des rivages qu'ont
abordés ensemble Josef et Alexis Ciesla.
Michel Sottet