Détruite ? Perdue ? Séquestrée dans les profondeurs
des bibliothèques publiques ? Pendant trois quarts de
siècle, toutes les rumeurs, chacune traînant sa part
de vérité, ont couru sur le destin de cette correspondance,
réputée sulfureuse. On en parlait peu dans le
monde, encore moins, forcément, dans la presse. Dans
les publications où il était impossible d'esquiver le sujet,
on s'ingéniait le plus souvent à occulter le nom des
correspondants. Mais les temps ont changé, les moeurs
aussi, et la voici enfin, exhibée au grand jour, cette
étonnante correspondance, ou du moins ce qu'il en
reste : un grand pan d'une histoire d'épanouissement
amoureux et de crise affective et intellectuelle - sans
doute l'essentiel. Sur fond de salons parisiens et d'opulentes
villégiatures que peuplent le beau monde et les
têtes pensantes des années vingt (croquées d'un trait
volontiers acerbe) se déroule une relation houleuse,
où, de part et d'autre et de façon répétée, un désespoir
insondable succède à une indicible plénitude. Disonsle
: ces lettres forment, dans leur genre, une manière
de chef-d'oeuvre.
L. J.